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SANTÉ96

La fibromyalgie une douleur controversée

01 Juillet 2012 par Romain Loury
Touchant
1,5 % de la population française, la maladie peine à être
reconnue par les médecins. Et pour cause, ses symptômes sont
subjectifs, ses origines incertaines, ses marqueurs inconnus.

Selon le verdict rendu en 2007 par l'Académie nationale de
médecine, la fribromyalgie est un syndrome, pas une maladie. Encore
peu compris, il a de quoi dérouter les médecins : cette douleur
diffuse, étendue au corps entier, ne s'accompagne d'aucune anomalie
visible. Ni lésions anatomiques décelées par imagerie ni marqueurs
biologiques anormaux. Seule certitude, une même souffrance chez les
patients, qui se plaignent en plus de profonde fatigue et de troubles
du sommeil. Une triade s'accompagnant souvent de migraines, d'anxiété
ou de dépression. Pour le professeur Richard Trèves, chef du
service de rhumatologie du CHU de Limoges, « il s'agit bien
d'un syndrome. S'il s'agissait d'une maladie, nous aurions des
éléments biologiques ou d'imagerie reproductibles. Or ce n'est pas
le cas. 
» D'où le profond scepticisme de nombreux médecins
qui penchent pour un simple trouble sychosomatique. Une attitude
qualifiée de « fibrosceptique » par les patients, que
certains jugent teintée d'a priori sexistes. 80 % à 90 % des
patients sont en effet des femmes, la plupart âgées de 45 à 55
ans.

UN SYNDROME « BIOPSYCHOSOCIAL »

Plutôt qu'un trouble « authentiquement
psychosomatique 
», Richard Trèves préfère évoquer un
syndrome « biopsychosocial » à dominante féminine.
« Nous
ne voyons plus d'hystéries, nous ne voyons plus de spasmo-philies,
nous recevons des fibromyalgies. Les maladies anciennes ont laissé
la place à des nouvelles
 »,
remarque-t-il. Un changement qu'il explique par l'évolution de la
condition féminine. « Ce genre de maladies s'exprime
autrement, par des signes moins spectaculaires qu'autrefois. 
»
Chez ces patientes, le rhumatologue dit souvent découvrir des
violences familiales survenues durant l'enfance, explication rejetée
par les fibromyalgiques. « Il existe peut-être un ou des
marqueurs biologiques que l'on n'a pas encore découverts, comme cela
a été le cas pour la maladie de Parkinson, très longtemps
incomprise
 », poursuit Richard Trèves. Quelques travaux ont
déjà suggéré des anomalies dans le cerveau des fibromyalgiques,
impliquant une moindre activité des circuits cérébraux
d'inhibition de la douleur, d'où une sensibilité accrue (voir
encadré). Malgré ces hypothèses, « aucun schéma explicatif
complet
 » ne se dégage encore, note l'Académie de médecine.
L'enjeu n'est pas seulement scientifique. D'une éventuelle
reconnaissance scientifique pourrait découler une meilleure prise en
charge et un statut médical clair, dont les fibromyalgiques
s'estiment lésés. Malgré une « meilleure crédibilité »
depuis les travaux de l'Académie de médecine en 2007, puis de la
Haute autorité de santé (HAS) en 2010, le chemin est encore long,
déplore Carole Robert, présidente de l'association France
Fibromyalgie
, elle-même atteinte. En commandant ces rapports,
« le ministère de la Santé a tenu ses engagements, mais il
faudrait qu'il lance une campagne d'information auprès des médecins.
Quand ils ne sont pas sceptiques, nombre d'entre eux connaissent mal
le sujet, ils ne savent pas diagnostiquer
 », regrette-t-elle.
Face à un trouble aux contours si incertains, « la crainte
des autorités serait de voir le diagnostic se multiplier 
».

La TMS, un espoir timide

La fibromyalgie, un trouble
neuronal ? Une étude menée à l'hôpital Ambroise-Paré
(Boulogne-Billancourt) le suggère. Menée sur 40 patients, elle a
évalué la « stimulation magnétique transcrânienne »
(TMS en anglais), technique indolore déjà utilisée contre la
dépression, consistant à appliquer une impulsion magnétique au
cerveau. Après 14 séances réparties sur 6 mois, d'abord 5 de 20
minutes par jour avant d'être progressivement espacées jusqu'à une
par mois, les patients ont vu leur douleur moyenne diminuer de 1,19
point sur une échelle de 0 à 10, avec une amélioration de
l'activité physique. Une piste certes intéressante, même sans
guérison. Après un arrêt prolongé des séances, la douleur fait
son retour.

 

MÉDICAMENTS : PEU DE SOLUTIONS

Alors que deux antidépresseurs, le milnacipran et la
duloxétine, et un antidouleur, la prégabaline,
ont vu leur autorisation de mise sur le marché (AMM) étendue à la
fibromyalgie aux États-Unis, l'Agence européenne du médicament
(EMA) ne leur a pas accordé cette indication, arguant d'une
efficacité insuffisante. Certains « fibrosceptiques »
accusent même la fibromyalgie d'être l'une de ces maladies montées
en épingle, voire inventées, sous diverses pressions (industrie
pharmaceutique, lobby médical, associations de patients), un
phénomène nommé « disease mongering ». Au-delà des
doutes, « une AMM européenne permettrait de mieux guider le
choix de l'antidépresseur plutôt que de prescrire des médicaments
similaires, mais inefficaces
 », explique le professeur
Jean-Pierre Olié, chef du service de psychiatrie de l'hôpital
Sainte-Anne (Paris). « Nous prenons quand même ces
médicaments, mais hors AMM 
», précise Carole Robert.
Résultat : « il n'existe aucune pharmacovigilance
spécifique aux fibromyalgiques sur ces produits et les médecins ne
peuvent pas être informés par les laboratoires
. » Les
patients doivent souvent recourir à des « cocktails
médicamenteux
 » dont la sécurité n'est pas bien établie,
juge la présidente de France Fibromyalgie.

UNE AFFECTION HORS LISTE

Autre revendication, le statut
d'affection longue durée (ALD), qui permettrait un remboursement à
100 % des frais médicaux directement liés à la pathologie. La
fibromyalgie peut en disposer, mais seulement dans le cadre de l'ALD
n° 31, celle des maladies « hors liste » dont le
traitement, particulièrement coûteux, dépasse six mois. « L'an
dernier, mon dossier a été refusé
[par les experts de
l'Assurance maladie, ndlr], au motif que je n'étais pas assez
chère
 », explique Carole Robert. S'ils se divisent sur la
question des traitements, les médecins semblent plutôt unanimes sur
celle de l'ALD : « Le risque, ce serait de trop focaliser
sur le terme de “fibromyalgie”. Tout le monde nous dirait “
je
veux mon ALD” », craint Richard Trèves. « La
fibromyalgie n'est quand même pas la maladie d'Alzheimer 
»,
renchérit Jean-Pierre Olié. Pourtant, « il existe beaucoup
d'arrêts maladie, d'hospitalisations, de malades qui perdent leur
travail et de familles qui vont mal 
» parce qu'elles peinent
à comprendre la souffrance de leur proche, constate Carole Robert.
Selon une enquête menée par France Fibromyalgie, 41 %
des 1 241 patients interrogés évoquent une vie sociale difficile,
44 % ont renoncé à leurs loisirs et 43 % à toute activité
physique. Une mise à l'écart qui peut aller très loin. Atteinte
depuis l'âge de 14 ans, Carole Robert, 60 ans, a déménagé à
Paris il y a cinq ans, se séparant de sa famille. « Lorsque
mes enfants étaient petits, je me reculais sans arrêt, de peur
qu'ils me fassent mal. À cause de ma douleur permanente, je ne suis
plus capable de gérer une famille et des amis, j'ai arrêté de
vouloir les convaincre 
», déplore-t-elle. Mais au-delà de
ses regrets, la grande crainte de Carole Robert est de « mourir
sans savoir ce qu'
[elle] a eu ».

Contact

: fibromyalgie.france@wanadoo.fr

 

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07/10/2012
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